FROMELLES

Secteur mémoriel de Fromelles

Fromelles se situe à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Lille dans la plaine des Weppes, drainée par la Lay et dominée par la butte d’Aubers (24 mètres). Paysage ouvert et champêtre peu marqué par l’urbanisation, il conserve aujourd’hui la mémoire australienne de la guerre 1914-1918 ainsi que de nombreux abris bétonnés de la ligne Wotan, le long de laquelle s’affrontent les deux camps de 1915 à 1918.

Le secteur mémoriel de Fromelles est composé de deux éléments constitutifs : le cimetière militaire du Commonwealth Fromelles (Pheasant Wood) Military Cemetery est le dernier créé des cimetières britanniques. Le cimetière militaire du Commonwealth & Mémorial australien VC Corner Australian Cemetery and Memorial constitue la seule nécropole du front à ne posséder aucune tombe individuelle, mais un mur de 1184 noms et deux fosses communes où reposent 410 Australiens. Les deux éléments constitutifs composent un ensemble remarquable et diversifié, avec un traitement de la mort différent et spécifique d’un site à l’autre alors qu’ils témoignent de la même bataille.

Ce secteur revêt également un caractère international car Français, Canadiens, Britanniques, Indiens et Australiens reposent dans les cimetières alentours, à la suite des différentes offensives qui se sont déroulées sur le territoire.

ND01 Cimetière militaire du Commonwealth « Fromelles (Pheasant Wood) Military Cemetery »

Situé à proximité du Bois des Faisans (Pheasant Wood), où sont découvertes en 2008 des fosses communes comprenant 250 corps (dont 219 Australiens) et à la sortie de la ville, le cimetière militaire du Commonwealth Fromelles (Pheasant Wood) Military Cemetery est le dernier cimetière de la Grande Guerre créé par la CWGC.

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Le terrain du bois des Faisans étant humide et inondable, il est impossible d’y aménager le nouveau cimetière, quatre terrains sont achetés à des particuliers et à la commune à proximité de l’église en 2009-2010. Conçu par Barry Edwards, sa forme hexagonale est centrée sur la Croix du Sacrifice, au sommet d’une butte, vers laquelle convergent les rangées de pierres tombales et les allées. Le cimetière fut inauguré le 19 juillet 2010 par le Prince de Galles et des représentants du gouvernement australien.

Sa création constitue la plus importante opération funéraire militaire sur le sol français relative au premier conflit mondial depuis l’inhumation au cimetière allemand de Warmeriville en 1974 et 1975 de 381 soldats allemands et de 2 français emmurés au Mont Cornillet et l’inauguration de la nécropole nationale de Fréjus en 1993.

Depuis la Croix du Sacrifice, la vue dégagée sur la commune d’Aubers et en direction du VC Corner cemetery and memorial, permet de comprendre le rôle de la topographie dans les batailles de la crête d’Aubers (1915) et de Fromelles (1916).

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Conçue comme une diversion à la Bataille de la Somme, la Bataille de Fromelles est la première bataille sur le front ouest de l’Australian Imperial Force en France. Elle est reconnue comme l’une des pires périodes de l’histoire militaire australienne, qualifiée de « pires 24h de la nation ». Les Australiens perdent 5 533 hommes, et les Britanniques 1 400, sans obtenir le moindre résultat. La proportion de tués est exceptionnellement élevée, sur les 887 hommes du 60e bataillon australien, seuls 107 survivent. Un grand nombre sont portés disparus.

En 1987, des contacts s’établissent entre John Laffin, historien australien et l’association ASBF devenue Fromelles Weppes Terre de Mémoire provoquant  la prise de conscience par la population fromelloise du rôle majeur de cette bataille dans l’éclosion de la jeune nation australienne.

En 1999, l’association découvre que le commandement allemand du 21e RIR a fait rassembler des corps et les a fait inhumer à l’arrière du Bois du Faisan dans cinq fosses communes. Les autorités gouvernementales australiennes sont informées et sensibilisées. Par courrier du 27 mars 2007, le général Cantwell, major général de l’armée de terre australienne, expose à la DMPA les présomptions australiennes sur la présence d’une fosse commune rassemblant les corps de centaines de soldats du Commonwealth, dont environ 160 Australiens. Il informe les services de l’Etat de la constitution d’une équipe (Fromelles Project Team) chargée de procéder à l’étude du site. Un sondage sur place est réalisé du 16 au 18 mai 2007, puis les services archéologiques de l’Université de Glasgow (GUARD) sont mandatés afin de mener les investigations sur le terrain. Durant deux ans, des prélèvements et fouilles confirment que les cinq fosses sont demeurées intactes depuis leur création en juillet 1916.

En mai 2009, l’Oxford Archeology, supervisée par la CWGC, est chargée de la 2e phase de l’opération : l’exhumation des corps contenus dans les fosses et leur identification. L’équipe est constituée de médecins légaux, d’archéologues, d’anthropologues et de spécialistes de rayons x. Pour identifier les corps, une base de données est constituée permettant aux descendants de soldats ayant combattu à la bataille de Fromelles, dont la date de la mort est le 19 ou 20 juillet et dont la tombe est inconnue, de se manifester. Plus de 3000 personnes se sont enregistrées dans l’Australian Fromelles Relative Database et près de 1000 personnes ont fourni des échantillons d’ADN. Ainsi, 144 soldats ont pu être identifiés entre 2009 et 2014. Cette opération cristallise le sentiment national australien, comme en leur temps Vimy pour les Canadiens ou Verdun pour les Français.

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Depuis, chaque 19 juillet, les stèles des soldats inconnus sont remplacées par une stèle au nom du soldat identifié à l’occasion de la cérémonie annuelle réunissant plusieurs centaines de personnes et de nombreux officiels. En 2016, 98 soldats australiens et deux soldats anglais demeuraient toujours inconnus. Six soldats ont retrouvé leur identité lors de la cérémonie du 100e anniversaire de la Bataille, en présence de leurs descendants. Peu à peu leurs noms gravés sur le mur des disparus du VC Corner sont effacés.

ND02 Cimetière militaire du  Commonwealth & Mémorial australien “V.C. Corner Australian Cemetery and Memorial”

Situé à 1,8km du cimetière militaire du Commonwealth Pheasant Wood military cemetery, le cimetière militaire du VC Corner Australian Cemetery and Memorial a été réalisé après l’armistice sur les plans de l’architecte William Harrison Cowlishaw (1869-1957) et aménagé sur l’ancien no man’s land. C’est, avec le cimetière militaire du Commonwealth Niagara Cemetery (Iwuy, Nord), l’un des meilleurs exemples de sa créativité.

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Ce cimetière a la particularité de ne posséder aucune stèle mais simplement deux fosses communes. Marquées chacune d’une grande croix blanche visible du ciel, et séparées par une avenue centrale engazonnée, elles accueillent les restes de 410 Australiens anonymes. Leurs noms figurent parmi ceux des 1 299 soldats et officiers australiens tombés au cours de la bataille de Fromelles (19-20 juillet 1916) listés sur le mur, faisant face à l’entrée. Une croix du sacrifice avec une épée de bronze brochant sur son fût domine le cimetière. Les charmes plantés à l’entrée le signalent de loin, si bien que l’on peut l’apercevoir de tous les points du champ de bataille.

Les combats livrés par les Australiens dans cette zone lors de la bataille de Fromelles, furent courts et intenses. On considéra que ces soldats étaient tous des héros, la plus haute distinction militaire britannique la Victoria Cross leur fut attribuée ; une tranchée locale est enregistrée et nommée « Avenue VC ». Pour ne pas oublier leur combat héroïque, on donne au cimetière le nom de VC Corner, le coin des Victoria Cross.

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Un premier plan du cimetière est dressé par l’armée en juin 1920, actant l’organisation spatiale symétrique des deux fosses communes organisées chacune en cinq rangées. Il est précisé qu’il s’agit de tombes de soldats australiens inconnus et le lieu est situé sur une carte d’Etat major mentionnant les rues alentours et les directions de Fleurbaix et Neuve-Chapelle. Un plan du 23 juin 1921 porte mention, pour le dessin, de l’architecte Herbert Baker, avec pour architecte en France William Harrison Cowlishaw, qui vise le plan en septembre 1921. Dans sa séance du 26 octobre 1921, la commission des cimetières militaires du 1er corps d’armée britannique acte la nécessité de  maintenir en ses lieux et état le cimetière britannique existant au lieu-dit chemin de Laventie. D’une superficie de 23 ares 18 centiares, à cette date un quart de la surface est encore disponible. C’est pourquoi, il est décidé d’y transférer les 41 corps enterrés au cimetière de la Cardonnerie (cardonnerie farm) afin de regrouper tous les corps au VC Corner. Un arrêté d’utilité publique et d’urgence est pris le 4 janvier 1923 pour l’acquisition d’une parcelle de terrain en vue de la création d’un cimetière britannique. Il s’agit comme ailleurs de régulariser la situation. En octobre 1923, l’architecte Cowlishaw dresse une série de plans du VC Corner australian cemetery, détaillant les matériaux, la maçonnerie des murs (alliance de schiste et de pierre blanche) et l’organisation spatiale de l’ensemble. La scénographie de ce cimetière sans tombe apparente s’articule autour de l’axe portail d’entrée/croix du sacrifice/grand mur. Les noms sont listés sur un grand mur blanc qui s’achève par 2 pavillons symétriques, ouverts sur les trois côtés par un large arc en plein cintre et dominés par la croix du sacrifice. Le rapport annuel de la CWGC de 1926-1927 présente une photographie de ce cimetière où les deux fosses communes sont ceintes de petites haies. En 1931, le constat est fait que les visiteurs ne se rendent pas compte que des soldats sont enterrés sous la pelouse en raison de l’absence de stèles. On ajoute alors deux grandes croix en pierre sur le sol pour attirer l’attention. Celles-ci sont visibles sur la photographie publiée dans le rapport annuel de 1932-33.

Suite à la découverte des fosses communes du Pheasant Wood, à l’identification des corps et à la création du nouveau cimetière de Fromelles, certains noms ont été effacés depuis 2011. Les premières cérémonies commémoratives y sont organisées à l’initiative de l’association ASBF, devenue Fromelles Weppes Terre de Mémoire, avec Monsieur Francis Delattre, maire de l’époque, dès 1989. La présence de poppies, de photos ou de travaux scolaires (poèmes, dessins, recherches sur un soldat) atteste de la valeur commémorative du site et de la forte mémoire vivante. Fromelles constitue une étape pour les Battlefields tours et les nombreux messages laissés dans le recueil du cimetière témoignent de l’intérêt des visiteurs venus de Grande-Bretagne, d’Australie, de Belgique ou de France.